Après la boucherie que fut la liquidation de la société de presse MER7, le coin dédié aux revues de jeux vidéo a pris un sacré coup dans les kiosques. Là où de (trop?) nombreux titres se bousculaient auparavant, il a ensuite fallu avoir l’½il bien aguerri pour discerner les derniers survivants coincés entre la multitude de magazines dédiés à Windows 8 et Apple. La disparition d’IG mag est venu noircir se sombre tableau en ne laissant plus qu’un choix rachitique entre Jeux Video Magazine, Video Gamer et Canard PC. Il y a bien également Role Playing Mag mais son passage à une parution trimestriel et son sujet, le RPG, en fait une revue de niche. Si cette implosion de la presse vidéoludique papier est à déplorer, elle a eu le mérite de remettre en question ce support comme vecteur d’information en concurrence directe avec internet.
Certains journalistes ont eu l’audace de s’emparer de ces réflexions pour proposer de nouveaux titres papiers apportant une réelle plus-value par rapport à la presse internet. En novembre s’est ainsi lancé JV sortons le grand jeu également nommé JV mag pour les plus fainéants d’entre nous.
Si il ne sort pas complètement des sentiers battus, JV fait la part belle aux dossiers, enquêtes et réflexions sur le média. Voici l'édito du premier numéro dans lequel le rédacteur en chef Bruno Pennes (que vous avait déjà peut être eu l'occasion de lire ou d'écouter sur JVN.com) narre la genèse de ce nouveau titre de presse :
Tout à commencé une belle après-midi d'été. Le genre de journée où on refait le monde à la terrasse d'un bar. En l’occurrence, un troquet bobo appelé Café A, près du canal Saint-Martin. Vous avouerez que dit comme cela, ça fait effectivement super bobo.Entre deux pintes, nous nous sommes mis à discuter de ce que serait notre magazine idéal. « Nous », ce sont quelques anciens de feu Joystick, un pigiste de JVN.com et un ex-rédac chef adjoint de PC Jeux. Une belle bande de potes, frustrée par la fin précipitée, l'hiver précédent, de leurs publications respectives. Ce magazine idéal, donc, s'est dessiné peu à peu, entre un café noisette et un demi de blanche. « Avant tout, faudrait qu'il soit indépendant. Pas de pressions extérieures, aucune chance qu'on accepte ça. Dense, ensuite. Faudrait y trouver de nombreux dossiers, qu'ils soient courts ou longs. L'important, c'est que le lecteur y apprenne des choses. Qu'il se distraie, aussi. Le ton devrait du coup être léger et certaines pages plus rapides à lire que d'autres, histoire de donner du rythme. Mais toujours en ayant un sens. C'est bien joli, tout ça, mais le Net a repris la plupart des rubriques des magazines existants... On a qu'à en inventer de nouvelles ! Des trucs idiots, des papiers intelligents. Une BD aussi, c'est cool une BD. Oui mais les tests ? On en fait quoi, des tests, de la dictature de Metacritic ? On les zappe ? On les zappe. Marre de noter pour noter, on donnera notre avis et basta ! Il nous plaît bien, ce magazine. Ce serait dommage de l'habiller comme un Télé Loisirs, avec du papier fin et des agrafes qui s'arrachent. Ouais. Tiens, un So Foot. C'est joli, So Foot. On devrait lui piquer son papier, épais. Sa tranche carrée, aussi. Bingo. 'Tain les mecs, ce serait vraiment cool si on mettait nos sous en commun pour le faire, ce mag ». Et le pire, c'est qu'on l'a fait.Le ton pris par Bruno Pennes est ici léger mais son ambition pour faire de JV un magazine de qualité est bien réelle. Les deux premiers numéros actuellement sortis en atteste. Sans révolutionner la presse papier, JV se démarque allègrement de Jeux Video Magazine et Video Gamer qui, portant l'héritage de la presse vidéoludique de ces vingts dernières années, font plus offices de guides de consommation que de revue culturelle. Ce qui n'est pas le cas de JV.
Outre JV, un autre titre vient tout juste de faire son apparition. Il s'agit de Games. A mon sens, jamais un titre n'a été aussi mal choisi tant celui-ci n'évoque pas le contenue du magazine. Car plus que les jeux, c'est avant tout leurs auteurs que Games souhaite mettre en avant. C'est tout du moins la proposition que fait le magazine comme le laisse transparaître l'édito du redac chef, Jérôme Dittmar :
On ne va pas vous le cacher, créer un magazine de jeu vidéo est un vieux rêve. Nous y voilà donc, forcément pas peu fiers, mais fébriles après des mois de travail qui nous ont menés dans les coulisses du jeu vidéo. A la rencontre de ceux qui, tantôt dans l'ombre ou sous les projecteurs, fabriquent et pensent ces mondes en évolution permanente. Games, c'est avant tout ça, un pont, la volonté de rendre plus que jamais le jeu vidéo ouvert et vivant, de traiter à égalité les ½uvres et leurs auteurs, de mettre des visages et des voix derrière les pixels. Entretiens, reportage, mais aussi enquête, analyses, décryptages, dossier,critiques, voilà le générique Games. Et on fera tout pour qu'il ait autant d'allure que de générosité.
On y est, enfin un magazine qui aborde les problématiques inhérentes à l'industrie, les processus de création, les portraits d'auteurs, etc. Derrière cet édito aux promesses alléchantes, on aurait pu craindre une simple compilation d'interviews mais ce n'est pas le cas. Certes, des interviews, il y en a beaucoup. Mais elles sont toutes abordées de manière différentes, avec souvent une analyse à côté. Pour le coup, on est ici à mille lieux du guide de consommation. Une des particularité de Games est de prendre la forme d'un bimestriel. N'ayant pas besoin de coller au plus prêt de l'actualité, gageons que cette rythmique de parution permettra à l'équipe de délivrer un travail de qualité comme c'est le cas dans ce premier numéro.
Que cela soit JV ou Games, chacun apporte un souffle nouveau à la presse vidéoludique papier. Le rayon jeu vidéo des kiosques reprend des couleurs. J'ai trouvé à travers ces deux nouvelles revues ce que je cherchais depuis quelques temps sans le trouver ni dans la presse papier, ni dans la presse internet. Si le papier ne vous fais pas peur, je vous invite vivement ne serait-ce qu'à en acheté un numéro de chaque afin de vous forger votre propre avis. Ma plus grande crainte étant que JV et Games n'arrivent pas à percer et disparaissent.